Armé d’une cuillère en bois et vêtu de son petit tablier coloré orné d’un éléphant, mon fils se penche sur ses casseroles en plastique. Au menu: ragoût de petites autos sauce aux Lego. Miam! À l’autre extrémité de la cuisine, ce qui mijote semble plus prometteur. Du poulet grillé, du riz à la créole et des haricots sautés. J’ai faim!
Il est 18 h 10, un soir de semaine. Je rentre à la maison et mon conjoint est sur le point d’accomplir son petit miracle quotidien : préparer un repas nutritif comprenant les cinq groupes alimentaires en moins de 30 minutes, tout en surveillant notre fils de 3 ans. Et pas question de mettre la télévision pour faciliter l’opération… sinon maman commence à culpabiliser parce qu’elle rentre trop tard.
Chaque jour, il doit varier les recettes, proposer de nouvelles combinaisons et mettre en œuvre l’impossible pour qu’à 18 h 25 nous puissions nous asseoir ensemble autour de la table. Je voudrais bien écrire que, pétris de gratitude, mon fils et moi faisons religieusement honneur aux mets qu’il nous prépare. Mea culpa, nous sommes souvent ingrats: «Beurk, je veux du ketchup!»; «Les patates sautées, ça ne compte pas pour une portion de légumes…»; «Je préfère manger mon ragoût de voitures.» Nous avons de la chance, notre chef attitré supporte les critiques avec stoïcisme et n’a jamais menacé de rendre son tablier…
L’autre jour, j’ai décidé qu’il méritait une pause.
À lui de se faire servir. Aidée de mon marmiton autodésigné, je me suis lancée dans la préparation d’un repas des plus élaborés. Une omelette avec une salade.
Avis aux cuisiniers du dimanche: préparer un repas avec un bambin de 3 ans qui «veut aider» peut causer de considérables dégâts sur votre plancher. Il est possible que vous mangiez beaucoup plus tard que prévu parce que vous vous êtes laissé convaincre de préparer un dessert à 18 h 45 (un pouding au tapioca, c’est censé être rapide…). Peut-être que vous manquerez de vous évanouir à force de crier: «Non, ne prends pas le couteau, ça coupe… Ah! Attention, tu vas renverser le bol… Ne touche pas à la poêle, ça brûûûûûle!» Mais surtout, vous risquez d’attraper un fou rire incontrôlable en voyant votre trésor écraser avec application les œufs entiers – coquilles incluses – dans le bol, la mine concentrée. Qui sait, vous pourriez bien manger la meilleure vinaigrette de toute votre vie – brassée par votre petit ange, ça fait toute la différence! Et puis verser une larme quand il vous jurera que vous préparez les meilleurs desserts du monde. Tout ça un mardi soir. Parce que cuisiner en famille, c’est bien plus appétissant que les cinq groupes alimentaires combinés dans des recettes qui se préparent en moins de 30 minutes. Et tant pis pour la routine!
Mathilde Singer, rédactrice en chef
Source: Enfants Québec, février/mars 2015
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